Le marché de la montre connectée semble essentiellement centré autour des fabricants high-tech (surtout de smartphones) qui rivalisent d’ingéniosité pour sortir des produits toujours plus performants et tape-à-l’oeil. Pourtant, un petit pays non loin de la France résiste très bien : la Suisse.
Face à l’avalanche des actualités concernant des marques comme Samsung, Apple, Pebble ou Motorola, on oublie que les horlogers suisses conçoivent aussi des montres connectées.
Celles-ci sont différentes, et quelque part plus traditionnelles, mais elles ont des atouts certains pour lutter contre les montres high-tech des fabricants américains et asiatiques.
Avant de voir comment la Suisse compte lutter contre la concurrence étrangère sur ce marché, faisons un rapide état des lieux.
Sommaire
Si on a un peu de mal à voir comment les suisses répliquent à la déferlante des Apple Watch, Android Wear et montres Samsung, c’est parce qu’ils n’utilisent pas les même canaux de communication que ces marques.
En effet, des marques comme Apple ou Samsung sont habituées à travailler avec des journaux et sites Internet grands public et spécialisés dans le « High-Tech« .
Ainsi, à la sortie de l’Apple Watch, vous avez pu voir des revues dans des journaux comme Le Figaro. Il en est de même pour la sortie de la Samsung Gear S2.
Par contre, les marques horlogère suisses ne communiquent pas de la même manière. Elles choisissent le plus souvent des revues et des sites très spécialisés pour leur communiquer les informations.
Elles travaillent aussi énormément avec les boutiques spécialisées qui vendent leurs montres.
C’est donc pour cette raison qu’on parle moins de ces marques. Heureusement, les choses ont bien évoluées en 2015 et la Suisse est beaucoup plus présente dans les publications généralistes et high-tech. Parfois pour de mauvaises raisons…
Les montres suisses coûtent chères. C’est un fait mais il y a aussi une raison à cela : pour obtenir le label « Swiss Made » sur les montres, il faut que celles-ci soient fabriquées en grande partie en Suisse.
Cela a donc un coût qui n’est pas le même que celui des montres connectées chinoises d’Apple ou de Motorola (par exemple).
Mais c’est aussi peut-être un problème de communication : l’Apple Watch a des versions qui coûtent aussi chères qu’une Frédérique Constant bien plus noble dans sa fabrication.
Le problème vient de l’opposition systématique qu’on fait entre une montre connectée Android Wear bateau et une future Tag Heuer ou une Mondaine qui dispose d’un tracker d’activité physique fonctionnel et efficace.
Passons maintenant à ce qui nous intéresse : la stratégie des maisons horlogères suisses en matière de montre connectée.
Si au début, les industriels suisses ne se sont pas sentis menacés, on peut penser qu’il sont tout de même inquiets.
En effet, les projets de montres connectées se multiplient ces derniers mois et presque toutes les grandes marques ont un projet dans leur cartons ou un modèle déjà sur le marché (ou qui va bientôt sortir).
Ce qui est intéressant, c’est qu’ils n’ont pas choisi de faire la même chose que les fabricants classiques…
Tag Heuer est la marque suisse qui a su susciter le plus d’intérêt autour de son projet de montre connectée.
Il y a deux raison à cela :
Le fait que Tag ait choisi Android Wear et se soit entouré de Intel et Google pour concevoir sa montre lui a permis de diffuser ses informations dans la presse high-tech généraliste.
Sa stratégie est donc de luter contre Apple avec un modèle « toutes options » Android Wear mais avec le sceau de fabrication Swiss Made et la qualité Tag. (lire ici)
La montre sera donc à plus de 1000€. Et, je pense que ceux qui comptaient investir dans une Apple Watch à ce prix vont sérieusement se poser la question : pourquoi acheter une montre californienne Apple alors que pour le même tarif j’ai une vraie montre suisse ?
La marque de montres entrées de gamme Swatch a choisi une approche différente. On peut même parler de tâtonnement !
Après avoir présenté un premier modèle connectée spécialisé dans le beach volley, la marque a lancé sa montre connectée Bellamy qui propose uniquement une fonction de paiement par puce NFC.
Clairement, Swatch souhaite tester modèle après modèle les fonctions qui intéressent vraiment ses clients. Le but semble être de fournir un modèle connecté fiable, doté d’une bonne autonomie (un critère très important pour cette marque) et abordable.
Car qui irait acheter une Swatch à 250 ou 300€ ? Pas grand monde à mon avis.
L’objectif semble être de naviguer sous la barre des 150€. On peut donc s’attendre à ce que de nouveaux modèles soient annoncés dans les mois et années à venir. Mais, on n’aura sans doute pas un modèle « qui fait tout » doté d’un écran tactile LCD comme l’Apple Watch.
Swatch souhaite capitaliser sur son savoir faire en ajoutant des fonctions connectées simples mais essentiels à ces modèles existants. On aura donc des montres à aiguilles ou écran LCD classiques mais enrichie avec un tracker d’activité, un modèle de notifications, etc.
La marque spécialisée dans les montres pour aviation Breitling a aussi dévoilé un modèle connecté.
Leur modèle B55 Connected est prévu pour cette fin d’année 2015. L’objectif est d’enrichir un modèle de montre actuel pour le doter de fonctions supplémentaires utiles pour les pilotes d’avions.
Ainsi, la montre conserve ses attributs « Breitling » : son look, ses aiguilles, ses écrans LCD, etc. Les nouvelles fonctions connectées viendront aider le pilote à régler ses alarmes, les fuseaux horaires, les temps de vols, etc. le tout depuis une applications smartphone.
Il semble que la marque suisse souhaite simplifier l’usage de ses montres multifonctions.
Évidemment, compte tenu de la technicité de ce modèle et du positionnement de Breitling sur la marché de la montre, il faudra sans doute compter plusieurs milliers d’euros pour se procurer ce modèle.
On le voit tout de suite, la stratégie de Breitling est bien de fournir toujours plus de fonctions à son public cible et non pas de s’ouvrir à un marché plus généraliste et amateur de produit High-tech.
Une Breitling connectée sera donc une montre réservée au connaisseur.
J’ai mis ensemble ces deux marques parce que je les apprécie beaucoup mais aussi parce que leur stratégie est à peu près identique.
Frédérique Constant (ainsi que Alpina) et Mondaine produisent des montres aux styles bien différents mais toujours élégants. Il s’agit de montres suisses moyen de gamme (voir entrée de gamme pour certains modèles) qu’on peut trouver à partir de 500 ou 600€ en fonction des modèles (moins pour les versions Quartz chez Mondaine).
Leur stratégie connectée est identique : implanter un module de tracker d’activité au cœur d’une montre classique à aiguille.
L’objectif semble être d’occuper le marché moyen de gamme et de fournir un outil simple à utiliser tout en conservant l’élégance recherchée sur ce genre de montre.
Bref, ceux qui cherchent une montre élégante de tous les jours avec un aspect classique (traditionnel même : les cadrans ont seulement des aiguilles) et une fonction connectée peuvent se tourner vers un de ces modèles.
Il semble que Mondaine et Frédérique Constant ne souhaite pas spécialement intégrer plus de fonctionnalités connectées dans leurs montres pour le moment.
Ces deux marques ont aussi été regroupées car elles affichent la volonté de conserver à tout prix leur histoire horlogère.
A ce titre ce qu’on trouve et ce qu’on met dans le boîtier sont sacrés.
Le développement d’une montre connectée chez eux passe donc par le bracelet à la fois chez IWC et chez Montblanc.
Ces deux horlogers proposent des modèles de montres automatiques très luxueux dont les prix débutent à plusieurs milliers d’euros (compter 4000 à 5000 euros pour une « petite » IWC).
Ils ne souhaitent donc pas perdre cette clientèle qui recherche une horlogerie traditionnelle, suisse et mécanique.
La solution pour contenter les amateurs de connectivité avec leur smartphone est de concevoir et de fournir un bracelet qui va s’adapter sur la montre classique.
La Suisse, plus que tout autre pays, souhaite conserver son industrie horlogère.
Mais, plutôt que d’imiter, on sent clairement une volonté de trouver la bonne formule et ne reniant jamais ses origines et ses traditions.
Les exemples de IWC et Montblanc montrent comment il est possible d’innover tout en conservant ses origines et sa clientèle.
Bien que cette liste est loin d’être exhaustive, les marques appliquent différentes stratégies. De la plus jusqu’au-boutiste avec la montre Android Wear de Tag à la plus minimaliste chez Swatch qui sort une nouvelle montre connectée pour tester une simple fonction !
Cet état des lieux montre bien le dynamisme des horlogers suisses. Avec un petit effort supplémentaire à faire pour occuper le terrain de la communication aussi bien que les Apple et autres Samsung, ils ont toutes les cartes en mains pour faire évoluer leur industrie dans le futur.